A la recherche du temps perdu - Volume 7
«Les parties blanches de barbes jusque-là entièrement noires rendaient
mélancoliques le paysage humain de cette matinée, comme les premières feuilles
jaunes des arbres alors qu'on croyait encore pouvoir compter sur un long été, et
qu'avant d'avoir commencé d'en profiter on voit que c'est déjà l'automne. Alors
moi qui depuis mon enfance, vivant au jour le jour et ayant reçu d'ailleurs de
moi-même et des autres une impression définitive, je m'aperçus pour la première
fois, d'après les métamorphoses qui s'étaient produites dans tous ces gens, du
temps qui avait passé pour eux, ce qui me bouleversa par la révélation qu'il
avait passé aussi pour moi. Et indifférente en elle-même, leur vieillesse me
désolait en m'avertissant des approches de la mienne.»'éprouvais un sentiment de fatigue et d'effroi à sentir que tout ce temps si long non seulement avait, sans une interruption, été vécu, pensé, sécrété par moi, qu'il était ma vie, qu'il était moi-même, mais encore que j'avais à toute minute à le maintenir attaché à moi, qu'il me supportait, moi, juché à son sommet vertigineux, que je ne pouvais me mouvoir sans le déplacer comme je le pouvais avec lui.
Nom d'attribut |
Valeur d'attribut |
Nombre de Pages
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0 |
Auteurs
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Marcel Proust |
Tranche d'Age
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Adultes |